Jacques Martin et le Sphinx d'or, l'interview
Alors que Jacques Martin pense aux synopsis de nouvelles aventures des ses personnages préférés, « Le Circus Maximus » pour Alix, aventure se déroulant à Rome et « Le plan K » pour Lefranc, aventure s'inspirant de la Birmanie actuelle, je lui ai demandé de revenir 53 ans en arrière. En effet , c'est en 1956 qu'est sorti , dans la collection du Lombard le Sphinx d'or...et en 2009 pour le fac-similé chez Casterman. Le tout est illustré avec des photos d'époque.
Retour en 1956....
Comment vous est venue l'idée du Sphinx d'or?
JM: Vous me posez une question difficile...car j'ai écrit cette histoire il y a 60 ans. J'avais reçu une petite statuette qu'un lecteur m'avait envoyée, représentant le sphinx.Et de voir cette statuette, ça m'a donné l'idée d'écrire le Sphinx d'or.
Quelle était la documentation dont vous diposiez à l'époque, en 1949?
Très peu, c'était un gros problème d'ailleurs.J'avais déjà pas mal de feuillets de Racinet . C'était un dessinateur -archéologue, de la fin du XIXe siècle, qui a réalisé des reconstitutions sur toute l'Antiquité et même sur les costumes folkloriques français. Quand j'allais à Paris, j'achetais ces feuillets aux bouquinistes des quais de Seine.
Tout ce que je pouvais trouver, je l'achetais. C'était très difficile de trouver de la documentation en 1949. J'allais fouiller dans les musées, dans les bibliothèques...
...et les péplums au cinéma?
Enfant, j'aimais beaucoup ça!Ben-Hur, Salammbô... Il y a quelques années, ma femme et moi avons été invités à Paris pour revoir le film Salammbô, un film muet des années 20. Une horreur! Beaucoup de bêtises! Jeune adulte , je ne regardais pas beaucoup ce genre de films.
...et en roman?
Flaubert, avec Salammbô. Il donnait des descriptions , je ne sais pas où il est allé chercher tout ça! Je sais que Flaubert a séjourné 5 ans à Carthage pour écrire Salammbô. Il a certainement travaillé avec des archéologues du coin, du moment, mais là, on est au XIXeme siècle.
Comment avez-vous eu l'idée du prénom Enak?
Je cherchais un nom très court, et j'ai inventé un nom à consonnance égyptienne.
Pourquoi les textes sont-ils écrits en caractères d'imprimerie?
A l'époque, le journal Tintin ne voulait pas de lettrage à la main...sauf pour Hergé, qui avait lui, une double page. Même Jacobs, avec son premier album, le secret de l'Espadon a eu son album publié en caractère d'imprimerie. Le Lombard n'a jamais tellement cru en Alix. Ainsi, lors de la publication d'Alix l'Intrépide en 1956 en album, il y a 2 pages couleurs, 2 pages noir et blanc. On le voit bien dans le fac-similé paru il y a quelques mois.
Les 2 albums Alix l'Intrépide et le Sphinx d'or sortent en même temps aux éditions du Lombard , en 1956. L'éditeur vous a imposé une charte pour vos couvertures ou alors étiez-vous libre de les céer?
Non, il ne m'a rien imposé, je les ai dessinées comme je jugeais bon de le faire.
L'idée a été reprise dernièrement, avec les couvertures du démon du Pharos et de Londres en péril
Oh oui, c'est ce que je reproche un peu, on repique dans le passé. Une fois, de temps en temps, ça va , mais pas tout le temps!
Les 2 histoires, Alix l'intrépide et le Sphinx d'or, se suivent puisqu'il n ' y a pas de cassures entre les 2 récits. Peut-on dire que le Sphinx d'or commence planche 13?
Oh oui, tout à fait, il y a une rupture très nette . Je ne me suis pas arrêté entre les 2 histoires...comme je ne suis pas arrêté de travailler pendant des années! Je râlais d'ailleurs car j'aurais aimé avoir 15 jours de repos,mais rien à faire!Ca prouvait que mes histoires plaisaient sinon, on ne m'aurait pas demander de bourrer comme ça! J'étais jeune...
Le Sphinx d'or est donc la suite d'Alix l'intrépide. Mais je l'ai fait plusieurs fois.Il y a des raccords de temps entre L'enfant Grec et la Tour de Babel, puis entre la Tour de Babel et l'Empereur de Chine.
Comment avez-vous procédé pour écrire votre scénario?
J'ai toujours écrit un résumé assez complet d'une page et demie. Puis , j'élaborais le découpage....
...Donc, quand vous avez commencé à dessiner le Sphinx d'or, vous connaissiez la fin?
Plus ou moins. J'ai toujours laissé dans l'écriture de mes scénarii une marge pour l'invention du moment. Aussi, je me suis fait piéger par la parution du journal Tintin,qui commençait la publication de mes histoires, alors que je leur avais dit d'attendre que je sois à la planche 30 pour les publier dans le journal!Donc, page 25, ça calait! J'ai préféré arrêter la publication plutôt que de me presser et faire n'importe quoi. Ainsi certaines histoires comme Le dernier Spartiate, l'Enfant Grec, certains Lefranc et même Xan ont connu des interruptions.
Je n'ai jamais sacrifié la quantité à la qualité, même si la rédaction du journal faisait pression...
Qui a réalisé les couleurs?
C'était moi, puis Roger Leloup est arrivé en 1950, pendant ses vacances scolaires.
Mais je travaillais beaucoup.(mes bandes dessinées + les chromos Tintin)..
J'aimais beaucoup dessiner, je ne faisais pas ça pour gagner de l'argent (enfin, si, pour vivre), mais j'aimais ce metier, j'aimais dessiner. Ça ne me privait pas de travailler les jours de fêtes, ce que ma femme me reprochait. J'étais attiré, aimanté par mon boulot.
La grande punition que j'ai à l'heure actuelle est de ne plus pouvoir dessiner ...c'est le plus dur à vivre...je pense dessin, je réfléchis dessin...mais ça ne suit pas!
Propos recuellis le 19 mai 2009.Merci à Serge Zenatti pour les questions, à Frédérique Martin, pour les photos.
Un grand merci à Jacques Martin pour sa disponibilité et pour la belle oeuvre qu'il a réalisé.
Alix Mag'/les enfants d'Alix -Stéphane Jacquet 2009