L'écriture du scénario selon Jacques Martin
Nous vous présentons aujourd'hui, un document rare et passionnant : un extrait d'une lettre de février 1969 paru pour un article de Pierre Fresnault-Deruelle en 1970.
Photo Fagon
Jacques Martin nous raconte comme il créé un scénario.
"Scénario:
Je ne recherche pas spécialement un thème géneral. Je trouve mon idée, par exemple : "Alix doit reconduire dans leur pays un groupe de mercenaires, qui arrivés là, se trouvent déracinés, déphasés. C'est un échec!...Retourner en arrière: impossible. Rester là ne leur convient plus guère; ils ne reconnaissent plus rien. Alors, Alix retourne avec eux...ou les quitte!? Il se trouve que l'idée devient un thème, car je le confesse, je ne m'interesse plus qu'à de semblables histoires. Il faut que l'aventure que je vais raconter ait désormais que des résonnances humaines et une certaine psychologie.
Une fois ce fil conducteur obtenu, je l'écris et après avoir noirci quantités de pages de brouillon, je réduits le tout à deux pages dactylographiées.
Vient ensuite le découpage auquel je laisse un certain flou car je désire bénéficier de l'inspiration du moment lorsque je réalise effectivement les pages. Je m'explique sur ce point: si j'établis un découpage assez serré, j'ignore le nombre d'images, la dimensions des dessins, les chutes des bas de pages etc...bref, les détails que j'exécuterai , par exemple, entre les pages 31 et 37. Je laisse cela à l'initiative du moment. Cependant, si j'ai alors une certaine lassitude dans cette phase du scénario, je ne m'écarte pourtant pas de la trame de l'histoire. Pour vous donner une idée sur ma façon de travailler, voici une précision: la scène de la baignoire dans "le tombeau étrusque" (p 48-49 et 50) n'était pas prévue ainsi, à l'origine. Il y avait une explication entre Alix, Brutus , Tullius et Pollion dans le palais de celui-ci. C'était tout. J'ai songé à la baignoire au dernier moment , lorsque j'ai dessiné les pages en question.
Les décors:
Je ne me rappelle pas avoir introduit un épisode A pour dessiner un épisode B parce que celui-ci est supporté par un décors. Le dessinateur, chez moi, ne prend jamais le pas sur le scénariste, et croyez-moi, j'ai extrait quantités de décors qui me séduisaient au départ mais qui, finalement, m'ont apparu ne rien ajouter à l'histoire. Un exemple dans le "Tombeau Etrusque" (p 36), j'avais envisagé de représenter une vue très complète de la nécropole , en une grande image. J'y ai renoncé car cela bousculait trop le scénario."
La lettre
Merci à Frédérique Martin pour ses recherches.