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Alix Mag', actualité sur l'oeuvre de l'univers créé par Jacques Martin, le père d' Alix, Lefranc, Jhen, Orion et Loïs.
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Alix Mag', actualité sur l'oeuvre de l'univers créé par Jacques Martin, le père d' Alix, Lefranc, Jhen, Orion et Loïs.
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4 mai 2011

Michel Jacquemart par Jean-Marc Milquet

Ce 22ème épisode de Lefranc ne passera pas inaperçu et le moins qu’on puisse dire est que la trame de cette aventure imaginée par Michel Jacquemart,  déjà scénariste du Maître de l’atome et de Noël noir (prix St Michel du meilleur scénario en 2010), n’a rien en commun avec un Lefranc conventionnel. Les auteurs, Alain Maury au dessin et Michel Jacquemart au scénario, n’ont donc pas opté pour la facilité. Ils nous proposent une œuvre forte et originale dans laquelle la mort s’avère omniprésente, mais également l’amour, où la peur et les fantasmes les plus morbides laissent parfois la place à l’espoir et à l’amitié, où enfin le réel se mêle à l’irréel. 
Nous avons rencontré Michel Jacquemart pour tenter de décoder ce nouveau Lefranc axé sur le personnage de Jeanjean et de ses amis scouts, partis camper dans la campagne normande où ils feront la connaissance dune groupe bien étrange d’autres enfants vivant dans un bunker. 
Précision importante, cette interview dévoile des éléments essentiels du scénario.

Cette interview est réalisée par Jean-Marc Milquet, co-auteur de ALIX, 60 de couvertures

jacquemart2

© J-M Milquet

CHAPITRE 1 

Michel, peux-tu nous parler du contexte de cette aventure hors-catégorie ?

En réalisant « Le maître de l’atome »,  je comptais continuer dans un premier temps continuer dans cette veine, mais l’éditeur en a décidé autrement.  J’ai dû rapidement imaginer un autre scénario avec Noël Noir et à peine avions-nous signé pour cet album, Casterman m’a demandé de concevoir une histoire fantastique pour Lefranc. Je me suis alors souvenu de ma  jeunesse… J’adorais les histoires de fantômes et on s’amusait à se faire peur entre copains en se racontant des histoires terrifiantes. Quand j’avais 15 ans, à la faveur d’une version latine, j’ai été très troublé par un récit de Pline le Jeune (Lettres, VII, 27) relatant une histoire de fantôme où l’on retrouvait déjà tous les éléments « contemporains » du phénomène. Bien plus tard, j’ai été frappé par l’importance des fantômes dans la culture asiatique ; l’effet très fort qu’a eu sur moi la vision de films asiatiques de fantômes qui m’a déterminé à explorer ce thème, dont l’universalité me questionne… De plus, j’ai personnellement été le témoin (ou l’objet) de phénomènes qui continuent de me laisser perplexe…  
 
La fin de l’histoire donne à penser que tu considères cette histoire de Lefranc, non pas comme une réalité objective, mais plutôt comme la représentation de ce que voient les scouts ?

Il ne s’agit pas de la réalité objective, mais de leur réalité subjective, comme dans ce film de Polanski, « Répulsion », qui montre la vision d’une personne schizophrène, une projection du morcellement de sa propre personnalité…  
Les tentatives d’explications ont varié avec les âges, surtout récemment. Pendant longtemps, les fantômes ont été considérés comme des morts qui s’attardaient ou revenaient parmi les vivants ; c’est la théorie « classique »… Avec l’apogée du Christianisme, ces phénomènes ont été mis sur le compte d’autres créatures : les démons. Plus récemment, les théories « paranormales », liées au phénomène appelé « poltergeist » suppose que les fantômes ne seraient pas des morts, mais des phénomènes résultant d’un déploiement incontrôlé d’une mystérieuse « énergie psychique »… D’une certaine manière, on se rapproche des théories psychologiques et psychanalytiques ; en effet, avec le développement de la psychiatrie en tant que science, on découvre que les fantômes – tout comme les démons - sont probablement des entités psychiques, issue de notre inconscient individuel (Freud) ou collectif (Jung). A une cause extérieure occulte, on a substitué une cause intérieure pouvant être étudiée médicalement. Les fantômes seraient donc finalement une réalité : une réalité psychique !… 
Il ressort de nombreux témoignages que les que les fantômes et poltergeist se manifestent souvent face à de jeunes adolescents un peu perturbés, comme c’est le cas ici. 
Les visions des enfants sont induites par François, qui est traumatisé (on apprendra pourquoi à la fin) et qui n’arrive pas à apprivoiser la part d’ombre qui se trouve ne lui. Comme ses jeunes compagnons souffrent également de traumatismes à des degrés divers, ils vont tous se laisser entraîner dans le délire de François. 

 


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 Extrait du story-board page 37 
 

Mais Lefranc, lui est un adulte, et il se retrouve quand même projeté  dans cet univers !

Lefranc est lui-même traumatisé : il revient d’Algérie où sévit la guerre et sort d’un coma. 
D’autre part, il existe un lien invisible mais très fort entre Lefranc et Jeanjean, le personnage principal de cette aventure qui ont aussi perdus tous deux leurs parents très tôt. Lefranc et son compagnon entrent en quelque sorte « en raisonnance »…

Cette histoire est-elle fantastique, dès lors que l’explication est rationnelle ? 
 
Attention, je veux ici insister sur un point qui me tient à cœur : je n’ai jamais apprécié que l’on triche avec le lecteur en lui faisant croire en du fantastique pour finir par lui expliquer que chaque chose avait une explication triviale et rationnelle. J’ai décidé de ne pas tricher et de ne pas décevoir les amateurs de fantastique, et j’en suis un ! L’explication psychologique dont je viens de parler est plausible, mais est-elle la seule valable ? Nous laissons la porte ouverte. C’est pour cette raison qu’on assiste à un retournement de situation à la fin, après l’explication rationnelle, qui laisse donc planer un doute…

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Il y a donc une double lecture possible ?

C’était mon but : nous avons laissé des portes entr’ouvertes, comme une invitation au lecteur à les pousser un peu plus et à les franchir à son tour…

Cet album est très surprenant et tout à fait atypique, comme pour » Noël noir »,  c’est une volonté de ta part de sortir un peu du « cahier des charges » classique ?

Tout en restant dans l’univers Martin, je m’efforce de surprendre…. Jacques Martin a souvent régulièrement son lectorat et c’est de cette façon qu’il renouvelait son œuvre. Je pense notamment au Dieu Sauvage, Le prince du Nil, La Tour de Babel, Les Proies du Volcan, Vercingétorix, Les Portes de l’Enfer, L’Apocalypse… Pour un repreneur, il faut tenter de renouveler le genre, tout en restant dans un cadre précis, ce qui est bien plus « casse-gueule » que de faire un épisode trop classique, car on est sur la corde raide et sujet aux critiques du lectorat qui peut ne pas suivre cette voie.

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Michel Jacquemart et sa chatte mina à Bangkok, pendant l'écriture du scénario 

Tu évoques ici le passé de Lefranc et de Jeanjean, alors que Jacques Martin, tant pour Alix que Lefranc, ne l’a jamais fait que très parcimonieusement. Y avait-il, à tes yeux, un vide à combler ?

Je trouve que ça donne de l’épaisseur aux personnages. Jacques Martin avait évoqué le passé d’Alix et le sort de ses parents dès le premier épisode et il était revenu sur la question dans « C’était à Korsabad », où Alix devait retrouver ses parents. Il a aussi donné de la profondeur à Enak en évoquant son passé, supposé ou fantasmé, de prince royal. Je pense que si Jacques Martin ne l’a pas fait pour Lefranc, c’est dû au fait que cela ne s’y prêtait pas à l’époque pour ce genre de série. Mais il y a dans « L’Apocalypse » un passage très intéressant sur le passé de Borg que, l’on voit humilié par sa mère. Jacques Martin m’avait confié lors d’une interview (« A Propos de Lefranc »), que dans son projet de suite à cet album, il évoquerait la jeunesse de Lefranc. Comme cet album n’a jamais vu le jour et que Jacques Martin désirait le faire, j’ai pris le risque et la liberté d’imaginer un passé pour Lefranc et Jeanjean. Je pense avoir été respectueux, en restant dans l’esprit de ce que Jacques Martin aurait pu montrer et en n’outrepassant pas un tabou, vu que lui-même projetait l’évocation de ce passé. 

Le vrai héros de cette aventure est Jeanjean, qui a toujours été  considéré comme  secondaire ; voulais-tu par là le réhabiliter en quelque sorte ?  
 
Jeanjean – tout comme Enak - a souvent été considéré comme un personnage une peu falot. Dès l’instant où les albums de reprises se déroulaient dans les années 50, il était essentiel que Jeanjean soit présent, tout comme l’Inspecteur Renard. Mon intention était donc de le mettre en avant en lui donnant le rôle qu’il méritait. Jeanjean est l’élément qui apporte une touche supplémentaire d’humanisme et permet de révéler la partie sensible de la personnalité de Lefranc. Toutefois, j’estime que Lefranc n’est pas absent de cet album, car il représente un peu le personnage que l’on attend. C’est un peu comme Marlon Brando, que l’on voit peu dans Apocalypse Now, mais dont la présence domine le film. En séparant Lefranc et Jeanjean au moment où ils ont besoin l’un de l’autre, on ressent d’avantage l’importance réciproque de l’un pour l’autre.

La mort tragique des parents de Jeanjean, dont il se sent responsable, est aussi évoquée dans cet épisode…

J’ai beaucoup réfléchi  sur la mort des parents de Jeanjean. Dans « La Grande Menace », ce dernier n’apparaît pas comme orphelin, mais bien dans « L’Ouragan de Feu ». On peut donc supposer que la mort de ses parents soit survenue entre ces deux albums, soit entre 1952 et 1961. 
Jeanjean est dévoré par ce sentiment de culpabilité jusqu’à ce que Mary, que l’on pourrait imaginer comme un avatar de sa mère, à la fin de l’album, le libère de sa culpabilité. 

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Story-board page 28-29


 
Jeanjean quitterait donc l’enfance par cette épreuve ? 
 
Oui, Il devient alors l’adolescent plus dégourdi que l’on verra dans « L’Ouragan de feu ». Il y a par ailleurs un parallèle entre la fin cet épisode et celle des enfants du bunker. Dans ce dernier, Lefranc sauve Jeanjean des flammes, alors que dans « L’Ouragan de Feu » on voit Jeanjean s’élancer du haut du phare au dessus des flammes pour sauver Lefranc. Le thème du feu est très présent dans toute l’œuvre de Jacques Martin - pensons aux Molochistes ! 
Les 4 éléments : l’eau,  le feu, l’air et la terre se retrouvent dans toute son œuvre, comme l’a très bien démontré Thierry Groensteen dans « Avec Alix » et je me suis inspiré de cette étude pour renforcer le caractère « martinien » des différents épisodes que j’ai composés. 
 
Dans ce dernier épisode sont évoqués à des degrés divers des thèmes aussi forts que la mort, le désespoir, l’envie de suicide de Jeanjean, la pédophilie, ou même l’inceste…

L’abus de pouvoir des forts ou des puissants est un des thèmes essentiels de l’œuvre de Jacques Martin. Il a souvent abordé le thème de l’enfance maltraitée (Le Dernier Spartiate, Le Fils de Spartacus, Vercingétorix, L’Apocalypse, La Colonne ou certains albums de Jhen. 
Ma mère était une petite fille pendant l’invasion et l’occupation allemande ; elle a souffert de la guerre et m’a raconté certaines choses terribles qui m’ont aussi inspiré pour construire cette histoire… Je rappelle aussi que les fantômes apparaissent généralement à de jeunes adolescents qui ont vécu des événements traumatisants.

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Il ne devait pas aller de soi de « faire passer » des thèmes aussi durs au comité Martin… 
 
Que du contraire ! Là, je dois remercier le comité qui m’a laissé toute liberté au cours de cet épisode. Nous avons eu plusieurs réunions très constructives et le comité m’a aidé à trouver des solutions très élégantes pour résoudre certaines « articulations » du récit, ainsi que des idées très pertinentes pour le final de cette histoire.

Il s’agit ici d’un album que l’on pourrait qualifier de plus expérimental, dans l’œuvre de Lefranc ? 
 
Oui, mais, comme je l’ai dit plus haut, Jacques Martin recherchait aussi, il me semble, ce genre de choses.  Je dois aussi préciser que, pour ma part, j’aurais préféré, pour plus de cohérence, poursuivre dans la veine du « Maître de l’Atome » pendant plusieurs albums, quitte à réaliser une œuvre plus atypique par la suite, comme Jacques Martin l’a fait avec  « Le Repaire du Loup ». Mais ces deux scénarios plus intimistes ont été pour moi beaucoup plus intéressants à écrire…
 

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L‘image du bunker symbolise ici le rempart dressés par les enfants pour se protéger des adultes ?

Oui, il s’agit d’un symbole que tous les enfants, et pas seulement ceux qui ont été maltraités comme ici, construisent. Tous les enfants aiment se réfugier dans une cabane, une tente ou un abri pour se retrouver dans leur propre monde, à l’écart des adultes, dans un univers clos.

Parallèlement à l’action qui se situe près de Caen, au bord de la mer, on assiste au rappel de Lefranc en Algérie. Peux-tu nous expliquer dans quelles conditions il se trouve impliqué dans cette guerre ?

J’ai voulu évoquer cette ambiance sombre qui régnait en France à cette époque et qui déteignait aussi sur les enfants. J’avais tout d’abord pensé envoyer Lefranc en reportage en Algérie, mais j’ai voulu qu’il soit plus impliqué et j’ai donc imaginé qu’il avait fait son service militaire dans l’armée de l’air et qu’il soit rappelé en Algérie en tant qu’officier, comme l’avait été le journaliste Jean-Jacques Servan-Schreiber.

Dans cette séquence algérienne, Lefranc, dans un rêve, revoit son père, aviateur, sous les traits de Jacques Martin, ce qui constitue un symbole fort et très émouvant… 
 
L’idée de la représentation de Jacques Martin vient d’Alain (Maury). Dans mon esprit, Jacques Martin EST Lefranc, mais, à la réflexion, je ne trouve pas cela incompatible et c’est là un très bel hommage !

bunker

On retrouve ici le général Clermont, sous les traits d’un idéaliste, très conscient des horreurs commises en Algérie par l’armée française. Une telle attitude venant d’un général était-elle possible à l’époque ?

Tu fais bien de me poser cette question ! J’avais justement prévu un petit texte de mise en contexte au début de l’album (comme pour « Noël Noir »). Comme j’attendais que l’on revoie ensemble le travail effectué par Alain, je n’avais pas encore rédigé mon texte et l’album a été imprimé sans que je puisse le faire. Je devais notamment y expliquer que les paroles que prononce Clermont, personnage imaginé par Jacques Martin et dans « La grande menace »,  sont inspirées de celles du Général Jacques Pâris de Bollardière, qui lui, a bel et bien existé ; il est le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie. Véritable héros de la Deuxième Guerre mondiale, il a ensuite commandé les parachutistes en Indochine. De retour d'Indochine, il est envoyé en Algérie, où il entame une mission de pacification par le contact avec le populations locales, grâce notamment aux "Commandos Nomades" coordonnés par le lieutenant Servan-Schreiber, entreprenant des travaux d’aide à la population et interdisant la torture à ses troupes. J’ai pensé qu’un ami de Lefranc comme le général Clermont aurait logiquement fait preuve d’une telle attitude et aurait pu reprendre à son compte les paroles d’un tel héros humaniste. 
Cet épisode algérien n’est pas gratuit : il montre que pour la France, la libération du joug nazi n’a pas été suivie par une période de paix, mais bien par des guerres colonialistes qui ont « plombé » la situation politique et la vie des Français à cette époque. Dans les Enfants du Bunker, les conflits de différentes époques se font écho à travers l’Histoire ; la construction et les thèmes de ce récit ont été pensés en référence à l’Apocalypse, que j’estime être l’album le plus emblématique de toute l’œuvre de Jacques Martin.

As-tu déjà  lu ce nouvel album? 
 
Je le découvre avec l’exemplaire que tu me montres et  je regrette profondément ne pas avoir pu corriger tel ou tel dialogue ou récitatif en fonction du dessin réalisé par Alain. Pour moi, l’élaboration d’un album est une œuvre collective, et un échange devait se produire entre nous, ce qui était prévu au départ, mais n’a pas été fait. Je regrette aussi de n’avoir pas eu la possibilité de remercier en exergue les personnes qui m’ont aidé dans mon cheminement. Cela dit, j’apprécie énormément le travail réalisé par Alain pour cet album !
 

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Le studio Lefranc , Didier Mouton, à droite, (alias « Camille Rigebert ») s’est toujours occupé de la documentation pour les 3 Lefranc publiés et pour les nombreux autres projets concernant Lefranc, Jeanjean et Alix. Comme il est aussi psychologue, son aide a été particulièrement précieuse dans la conception et l'écriture de ce dernier Lefranc.
Quant à Pierre Stévenart,au centre, mon filleul, c’est lui qui dactylographie tout le travail ; c’est aussi avec lui que les idées sont régulièrement discutées (et pour rappel, c’est aussi lui qui eût l’idée du thème de Noël Noir ; il avait 17 ans quand il m’a aidé sur le Maître de l’Atome.)

CHAPITRE 2

 Où  en sont tes autres projets sur la série ?

En Septembre, Monsieur Casterman m’a demandé de lui exposer mes projets et je lui ai raconté une dizaine de mes synopsis. Peu après, le directeur de collection, Jimmy Van den Hautte m’a fait savoir qu’ils étaient intéresser par 4 projets, 2 pour Alix et  2 pour Lefranc (dont, enfin ! la suite du Maître de l’Atome). Je n’ai jamais eu la confirmation écrite demandée. Le 10 janvier il m’a envoyé un mail comme quoi le projet de « spin off Jeanjean » intitulé « La Maison de Correction » était accepté pour être dessiné par Alain Maury… Depuis, c’est à nouveau le « silence radio »…

Je pense que l’orientation que l’on a donnée aux séries de Jacques Martin s’éloigne de plus en plus de la conception que je m’en faisais et qu’il devient donc de moins en moins probable que l’on fasse encore appel à mes services…

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Etrange quand même pour un lauréat du prix Saint Michel du meilleur scénario, pour « Noël noir », non ?

Mais ce prix n’a jamais été mis en valeur par l’éditeur, que ce soit sur le site officiel ou via un bandeau rouge qu’on aurait pu apposer lors de la réédition de l’album. Ce n’est pas dommage pour moi, mais bien pour la série…

Je te verrais bien réaliser un scénario pour Blake et Mortimer, y-as-tu déjà  pensé ? 
 
Oui j’ai failli proposer un projet pour Blake et Mortimer : Le Maître de l’Atome ! J’avais initialement pensé à ce synopsis pour une histoire de Luc Orient, qui aurait été éditée par Jimmy Van den Hautte. Jimmy m’a alors fait cette réflexion : « ça ferait un bon Blake et Mortimer ». Comme je venais de passer le réveillon avec Yves Sente, je me suis dit que la prochaine fois que je le verrais, je lui raconterais cette idée. Mais je n’avais pas l’intention d’écrire moi-même ce scénario et encore moins de le vendre. Il se fait que Jimmy et André m’ont demandé un scénario pour Lefranc avant que je n’aie eu l’occasion de revoir Yves Sente, qui n’a donc jamais été au courant de cette idée. Quand certaines personnes nous ont mis des bâtons dans les roues au moment de la rédaction du Maître de l’Atome, et n’ayant pas signé mon contrat (pas pour faire pression sur Casterman, mais parce que je l’avais perdu dans tout mon désordre), j’ai bien envisagé d’aller donner ce scénario aux éditions Blake et Mortimer. Dans cette version, où Blake aurait remplacé Lefranc, Mortimer le Professeur Bloch et où Olrik aurait pris le rôle de Borg, la cible aurait été le centre d’essais nucléaires britanniques de Woomera en Australie ; la mine de manganèse qui sert de repaire aux terroristes aurait été une mine d’opales et Kahina devenait Ling-Ling, une danseuse de Hong-Kong. Toujours au moment de la réalisation du Maitre de l’atome, André Taymans m’a proposé que nous présentions un projet commun pour Blake et Mortimer. J’ai réfléchi à une idée de départ (que j’avais d’ailleurs postée sur l’ancien forum Marque jaune), mais je ne l’ai jamais développée parce qu’André a finalement proposé un projet avec un scénariste plus renommé.

Où  en sont tes projets actuels ?

J’ai beaucoup de projets, mais qui sont toujours au stade de préparation du dossier de présentation. Il y a deux histoires qui ont été écrites en Asie, avec l’aide de Pierre Stévenart, au même moment que les Enfants du Bunker : Yaba, qui se déroule dans le milieu des bars et du trafic de métamphétamine à Bangkok, un peu dans l’esprit des films de maffia Hong-kongais. Ensuite, il y a une histoire centrée sur le Laos et qui se passe à trois époques différentes : 1975, puis 1953 et enfin se termine en 2007. Je travaille aussi avec un ami dessinateur sur un thriller carcéral en y incluant certaines des idées que j’avais eues à l’époque où il était question de continuer les Lefranc contemporains. J’ai aussi développé plusieurs projets pour Alix et je compte utiliser la trame et la documentation accumulée pour ces histoires dans l’espoir un trouver un dessinateur qui aime le style historique et les raconter avec nos propres personnages. Enfin, au début des années ‘90, impressionné par Akira et les mangas de Masamune Shirow, j’avais commencé à travailler sur des projets de science-fiction dans le style manga. Je rêve de pouvoir réaliser des histoires pour un public jeune qui, tout comme moi, aime les mangas et la culture asiatique.  
Je ne compte pas pour autant abandonner Lefranc, parce que je me suis trop attaché au personnage et à son univers. J’adapterai et je posterai sous forme de « fanfictions » les projets refusés, de telle manière que les lecteurs qui ont apprécié Le Maître de l’Atome connaissent enfin la suite de ce cycle d’aventures.
 

Propos recueillis par Jean-Marc Milquet

Mai 2011 

Michel Jacquemart me demande de rajouter les remerciements, oubliés dans l'album:

Pierre Stevenart, pour son aide au scénario ; Didier mouton, notamment pour tout le travail de recheres préparatoires sur les fantômes et sur les aspects et théories psychologiques ; Jimmy Van Den Hautte, pour ses idées et ses conseils (c’est notamment lui qui a eu l’idée de placer cette histoire dans le décor du Mur de l’Atlantique) ; Laurence Stevenart et « Isatis » pour m’avoir raconté leur expérience de scouts ; Jean-Marc Segati, qui a eu l’idée du « jeu de piste macabre » qui sert d’ouverture à cette aventure.

 

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